Par Manon Trudel, audiologiste
Est-ce que votre enfant ou vous-même faites
partie de ceux qui recherchent le silence, mettent
des protecteurs auditifs pour dormir ou se
concentrer, ou encore pour éviter une
augmentation de l'acouphène, car certains bruits
sont maintenant intolérables ou dérangeants ?
Il est important de premièrement comprendre
que le système auditif nerveux central ne dort
jamais. Contrairement aux yeux que l'on peut
fermer, on ne peut pas fermer nos oreilles. Notre
système auditif doit être capable de traiter
l’information pertinente pour nous, soit pour
notre sécurité (par ex. pour entendre un klaxon
et éviter de se faire frapper), soit par intérêt (par
ex. écouter une personne qui parle en présence
d'autres voix et d'autres bruits). Il y a donc un
filtrage naturel des sons qui nous permet
d'ignorer certains sons non pertinents (par ex. le
bruit du moteur de votre réfrigérateur) à moins
d'un changement important (par ex. ce même
moteur devient plus bruyant). Cette capacité se
nomme séparation figure-fond ou attention
auditive sélective. En absence de bruits intenses,
la privation sensorielle auditive résultant du port
de protecteurs auditifs risque d’entraîner un
changement dans le traitement de l'information
auditive par le cerveau qui peut avoir davantage
de difficulté à exécuter cette séparation
figure-fond (par ex. un élève qui porterait trop
souvent des coquilles en classe pour mieux se
concentrer) ou devenir de plus en plus intolérant
aux bruits (par ex. pour dormir), car cela
encouragerait le cerveau à « entendre à travers »
ces protecteurs auditifs en augmentant le gain
interne. Par contre, il demeure important de
protéger nos oreilles des bruits trop intenses
pouvant endommager l'audition, créer de
l'acouphène et de l'hyperacousie (par ex.
l'utilisation d'outils et d'équipements bruyants,
assister à des concerts de musique, etc.).
Comment reconnaître les signes
d'hyperacousie et ses causes?
Les clients hyperacousiques rapportent une
hypersensibilité à des bruits de la vie
quotidienne qui ne devraient pas de par leur
nature endommager l'audition, par exemple, les
bruits de la vaisselle ou d'aboiement de chiens.
Ayant par définition une acuité auditive dans la
normale, ces clients ont par conséquent un
champ dynamique réduit qui peut être mesuré
objectivement par l'audiologiste en soustrayant
les seuils d'inconfort mesurés à 1 dBHL près aux
fréquences de 250 Hz à 8 kHz des seuils auditifs
(c'est-à-dire les niveaux les plus faibles perçus
≥50 % du temps) respectifs aux deux oreilles.
Selon le Johnson Hyperacusis Quotient1(JHQ),
un client a de l'hyperacousie si la moyenne des
champs dynamiques de ces fréquences se situe à
moins de 90 dBHL. Selon cette moyenne,
l'hyperacousie sera considérée légère, modérée,
sévère ou profonde à chacune des oreilles.
L'audiologiste peut également documenter l'inconfort à la parole, à un bruit de parole, à un bruit blanc, à la musique et à tous les autres bruits de la vie quotidienne (par ex. enregistrement d'un aboiement de chien, de la chasse d'eau de la toilette, de la sécheuse, du Certaines pistes de solutions pour l'hyperacousie La technique de désensibilisation la plus simple pour les cas documentés d'hyperacousie légère est d’éviter la tranquillité à la maison en ouvrant les fenêtres…. Par Manon Trudel, audiologiste 17 broyeur). Il est important de bien questionner les clients afin de vérifier s'il y a eu un incident « traumatisant ».
Par exemple, un enfant qui aurait été surpris par le cri de l'éléphant au zoo et qui mettra dorénavant ses mains sur ses oreilles lorsqu'il approchera le prochain éléphant. S'il a un JQH de ≥90 dB, nous pourrions plutôt conclure à une phonophobie, une crainte d'écouter ce son, due à une sensation auditive insupportable produite par ce son.Nous pourrons sinon simplement recommander le port de petits protecteurs auditifs intra-auriculaires lors de la prochaine visite au zoo, en approchant la cage des éléphants afin qu'il ait une belle expérience. Il est possible qu'il n'en ait plus besoin lors de la troisième visite. Si au contraire, cela crée une situation de handicap (par ex. voyagement par automobile, autobus scolaire, etc.), une technique de désensibilisation au bruit pourrait être entreprise avec une audiologiste ou une psychologue, semblable à celle utilisée avec une personne ayant une phobie des araignées.
L'audiologiste peut aider l'ORL au diagnostic différentiel avec les autres clientèles qui peuvent simplement aimer la tranquillité, être migraineux (hypersensibles également visuellement), avoir des difficultés de traitement auditif, rapporter de la misophonie (haine de certains types de sons pas nécessairement intenses, ni généralement dérangeants pour les autres, tels que les pas du voisin demeurant au-dessus d'eux, une personne mangeant des croustilles), et certains professionnels ayant développé leur sensibilité (par ex. thérapeutes énergétiques). Évidemment, certains clients peuvent avoir plusieurs étiologies et plusieurs symptômes, ou encore, une hypersensibilité attendue par leur diagnostic (par ex. trouble du spectre de l'autisme).p;
Enfin, à la suite d’une perte auditive subite (par ex. virale, due à une otite, un traumatisme acoustique ou crânien), certains clients rapportent qu'en plus de mal entendre, mal comprendre la parole, ils sont dorénavant hypersensibles à l'augmentation de l'intensité de la voix, de la musique, de certains sons, de certains bruits de la vie quotidienne.
Ce phénomène nommé hypersonie nécessite, après investigation médicale de l'ORL et parfois du neurologue, que l'audioprothésiste ajuste les prothèses auditives selon les seuils auditifs et l'inconfort du client tels que mesurés par l'audiologiste2.
Certaines pistes de solutions pour les
hyperacousiques
La technique de désensibilisation la plus simple
pour les cas documentés d'hyperacousie légère
est la suivante:éviter la tranquillité à la maison en
ouvrant les fenêtres, en ajoutant de la musique
relaxante, préférablement instrumentale, ou
encore, un ventilateur ou un bruit blanc, afin de
ne pas interférer avec la concentration, la
communication. On peut tenter d'en augmenter le
volume pendant quelques minutes chaque jour
lors d'une activité d'écoute passive, par
exemple en tricotant ou en faisant un casse-tête,
avec un haut-parleur situé à une distance
maximale de 1,5mètre. Si l'augmentation
déclenche une tension pour vous, ce qui selon
des études pourrait augmenter votre taux de
cortisol, vous pourriez alors choisir deux types
de bruits larges, par exemple : le bruit de l'océan
à faible intensité pour vous relaxer pendant 25 minutes interrompues de 5 minutes
d'augmentation du bruit blanc. Selon les
Drs MolinerPeiro et al3, l'écoute passive d'un
bruit d'océan ou de chute d'eau 30 minutes par
jour pendant 9 semaines en augmentant
graduellement l'intensité permettait d'enrayer
l'inconfort de l'hyperacousie avec des seuils
d'inconfort normaux de 100 dB. Le client peut,
pour ne pas gêner les autres membres de son
entourage, en faire l'écoute avec un I-Pod ou un
MP3.
Les clients plus atteints (par ex. à la suite d’un traumatisme crânien) ou plus craintifs préféreront une technique de désensibilisation avec générateurs de bruit portés à l'oreille, que le bruit soit de type blanc, rose ou filtré, ou encore des musiques fractales avec ou sans ajout de bruits. Bien que ces prothèses ressemblent à des prothèses auditives, elles pourraient ne pas amplifier les sons extérieurs. Évidemment, de plus en plus de manufacturiers offrent la combinaison de prothèses auditives et générateurs de bruit pour les cas de malentendants ayant développé de l'acouphène et de l'hypersonie.
Depuis les 25 dernières années, mon approche a toujours été holistique. Ainsi, nous encourageons les clients qui me consultent au Centre d'acouphène et d'hypo-hyperacousie à remplir un questionnaire détaillé disponible sur notre site Internet au www.centredacouphene.ca afin de bien documenter leurs symptômes, leurs répercussions sur leur vie quotidienne, les facteurs pouvant les aggraver, les moyens déjà mis en place, les traitements déjà essayés. Les lecteurs peuvent également suivre nos opinions sur notre page Facebook, en lien avec des articles et publicités touchant l'audition parus dans les deux langues officielles. Je serai très heureuse de vous aider et de répondre à vos questions.
Références :
1- Johnson M., A tool for measuring hyperacusis. The
hearing J. 52(3):34-35, mars 1999.
2- Trudel M., Évolution des connaissances en acouphène
et hyperacousie. L'Oreille bruyante, juillet 2011.
3- Moliner Peiro F, Lopez Gonzalez MA, Alfaro Garcia J,
Leach Pueyo J, Esteban Ortega F.,Open-field treatment of
hyperacusis. Acta Otorrinolaringol Esp 60 (1): 38-42,
2009.